Il y a des trajectoires qu’on ne remet pas en question. L’école. Le diplôme. Le poste. Le CDI. Un chemin balisé, socialement validé. Et souvent, ce n’est pas un mauvais chemin. Il est juste… générique. Il te protège de l’inconfort du choix. De la peur du vide. Et pendant un temps, il te donne une illusion d’ancrage. Mais il y a un prix silencieux à cette sécurité : tu t’oublies. Pas tout de suite. Progressivement. À force de faire sans choisir, d’exécuter sans incarner, tu perds le muscle de la volonté. L’autonomie devient un souvenir, et le confort une camisole.
Le stoïcien te dirait : tu es libre, même dans la contrainte. Mais seulement si tu choisis la contrainte. Ce que la majorité appelle “job” n’est pas un problème en soi. C’est le rapport que tu entretiens avec ce job. Est-ce une stratégie temporaire pour te renforcer, apprendre, t’extraire ? Ou est-ce une capitulation bien présentée ? L’emploi n’est pas le contraire de la liberté. Mais l’emploi accepté sans conscience est l’antichambre de la servitude volontaire. Il te prive du feu intérieur, celui qui s’éveille face à l’incertitude, aux problèmes réels, à la création de valeur. Celui qui t’oblige à devenir dangereux pour survivre. Et c’est là que l’entrepreneuriat entre en scène — non comme une fonction, mais comme une posture existentielle.
Être entrepreneur, ce n’est pas ouvrir une société. C’est redevenir l’homme qui agit sur le monde, plutôt que de subir le script des autres. C’est assumer l’inconfort structurel du réel : la compétition, la complexité, le rejet, l’effort, l’incertitude. Là où le salarié attend la tâche, l’entrepreneur crée la mission. Il ne cherche pas à éviter les problèmes — il les choisit. Il les dissèque. Il les transforme en leviers. En valeur. En capital. Parce que ce n’est pas le confort qui fait grandir, c’est l’affrontement volontaire avec l’inconnu.
Notre époque ne pardonne plus l’exécution passive. L’IA automatise les tâches. Les rôles d’obéissance sont en voie d’obsolescence. Ce qu’il reste ? Les individus à haute agency. Ceux qui savent résoudre des problèmes complexes de manière autonome. Ceux qui osent penser par eux-mêmes, publier ce qu’ils croient, créer ce qu’ils veulent voir exister. Ceux qui ne demandent pas l’autorisation de vivre. Pas besoin de devenir le prochain Elon Musk. Mais refuser de devenir auteur de sa trajectoire aujourd’hui, c’est accepter de devenir une variable d’ajustement dans un système instable.
Et ce n’est pas une question de statut. Tu peux être entrepreneur en étant salarié, si tu utilises cette structure comme un levier, pas comme une excuse. Ce qui compte, c’est d’avoir une tension créative intérieure. Une vision. Un problème à résoudre. Un chemin qui t’appelle. Ce qui te tue lentement, c’est le confort non questionné. C’est l’acceptation tiède de cette phrase intérieure : “je ne suis pas fait pour ça.” Elle est fausse. Et surtout : elle est apprise. On t’a domestiqué. Pas pour ton bien. Pour ta prévisibilité.
Le stoïcisme ne t’invite pas à refuser la douleur, mais à l’orienter. À choisir ta croix. À préférer une difficulté féconde à une sécurité stérile. Et l’entrepreneuriat, dans son sens profond, c’est ça : accepter de ne plus avoir d’excuse. Remplacer le confort du connu par la noblesse du défi. Redevenir l’homme qui s’engage, non parce qu’il est prêt, mais parce que c’est ce qu’il est censé faire.
Tu ne peux pas évoluer sans créer de valeur. Tu ne peux pas créer de valeur sans risquer ta tranquillité. Et tu ne peux pas rester tranquille sans perdre ta souveraineté. Alors choisis ton camp. Parce que pendant que tu doutes, d’autres — parfois moins lucides que toi — avancent, construisent, vendent, influencent. Et si tu ne le fais pas, ce sont eux qui façonneront le monde dans lequel tu vivras.