Le piège de l’inquiétude productive
La plupart des dirigeants que j'ai rencontrés dans ma vie correspondent au profil de l'Insecure Overachiever, ce que j'appelle en français le Performer Super Inquiet. Par nature, je suis pareil, et j'apprends jour après jour à performer sans m'inquiéter. Ce n'est pas une mince affaire.
Parce que quand t’as toujours été comme ça, t’en viens à croire que c’est ton stress qui fait la différence. Tu développes une croyance profonde : "Si je ne m'inquiète pas, je vais échouer." Résultat ? Ton cerveau associe directement le stress à la réussite.
Quand tu réussis, c’est grâce à ton inquiétude. Quand tu échoues, c’est parce que t’en as pas assez fait. C’est un piège mental. Une boucle sans fin. C’est comme pédaler sur un vélo d’appartement en te disant que si tu ralentis, tu tomberas – alors que tu ne vas nulle part.
Comme dit Andrew Wilkinson, la plupart des high performers sont
"une machine à angoisse optimisée pour la productivité."
Ce n’est pas une insulte, mais une observation brutale : nous avons créé une société où l’inquiétude chronique est devenue une vertu, presque un badge d’honneur.
Tu renforces ce lien jour après jour : plus je stresse, mieux je performe. Tu te persuades que sans ce stress, tu serais bien moins bon. Que c’est lui qui te motive, qui te pousse à tout donner. Mais à quel prix ?
Même quand t’arrives au sommet, avec la certitude que t’as les compétences, y’a un truc qui manque : l’enthousiasme. Peut-être que l’inquiétude s’est calmée, mais elle n’a pas laissé place à la joie. Seulement à des attentes toujours plus élevées.
C’est un sentiment que beaucoup de dirigeants connaissent. Atteindre un objectif ne provoque pas de fête ni de fierté, mais simplement un soulagement. "Ouf, je n’ai pas merdé."
Y'a quelques temps, j'ai vu une vidéo d'Alex Hormozi qui disait : "Je ne suis pas heureux, je suis juste satisfait." À un niveau, c'est stylé. Ça montre une forme de discipline et d’engagement. Mais à un autre, j’entends : "Je suis soulagé." Comme si le bonheur avait été remplacé par une simple absence de douleur.
Et si la peur n'était plus utile ?
Alors laisse-moi te proposer un truc : et si tu te mettais à croire que tout allait bien se passer ?
Parce qu’à ce stade, soyons honnêtes, c’est plus ton habitude, ton expérience et tes compétences qui te font avancer. La peur, elle, n’apporte plus grand-chose.
Pense à un pilote d’avion. Lorsqu’il décolle, chaque geste est critique. Il est concentré à 100 %, car la moindre erreur peut être fatale. Mais une fois qu’il atteint l’altitude de croisière, est-ce qu’il reste crispé sur les commandes ? Non. Il passe en mode automatique et surveille simplement les instruments. Pourquoi ? Parce que rester en mode "décollage" pendant tout le vol serait épuisant, inutile, et contre-productif.
Et pourtant, toi, tu vis encore comme si tu étais en plein décollage.
La peur a peut-être été utile au début, pour te focaliser, pour créer cette obsession qui t’a permis de monter en compétence rapidement. Mais aujourd’hui, tu es à plein régime, en roue libre. Pourquoi tenir les commandes comme si tout allait s’effondrer d’un instant à l’autre ?
Une étude de Harvard a montré que 47 % de notre temps mental est passé à ruminer sur le passé ou à s'inquiéter pour l'avenir. Mais c’est en étant présent, pleinement engagé dans le moment, qu’on atteint la meilleure performance et qu’on trouve le vrai plaisir. La peur nous éloigne de ce moment.
Le coût de l’amertume
Réveille-toi : tout ça, un jour, ça s’arrête. Tu le sais, non ?
Ton dernier deal. Ton dernier projet. Ta dernière présentation. Ton dernier "oui" en réunion. Est-ce que tu veux te retourner sur une carrière faite de succès amers ? Une suite d'objectifs atteints mais jamais savourés ?
Ou est-ce que tu veux pouvoir dire que t’as aussi kiffé le voyage ?
Je me rappelle d’un dirigeant que j’ai coaché. Il avait vendu son entreprise pour plusieurs millions après des années de travail acharné. Tout le monde le félicitait pour son "succès". Mais quand je lui ai demandé ce qu’il ressentait, il a répondu : "Rien. J’ai juste envie de dormir."
Ce n’est pas un signe de sérieux ou de sophistication de te prendre tellement au sérieux que t’oublies de vivre. Ce n’est pas plus noble de viser un résultat parfait si t’en tires aucune joie.
Pablo Picasso disait :
"Le but de la vie est de la vivre, de goûter pleinement l'expérience, d'atteindre avec enthousiasme de nouveaux horizons."
Si ton objectif ne te remplit pas d’enthousiasme, pose-toi une question : est-ce vraiment ton objectif ou celui de quelqu’un d’autre ?
Respire et trouve ce qui te fait vibrer
Crois-moi, tout va bien se passer. T’as toujours su t’en sortir. Et même dans les moments où tu pensais que tout était perdu, tu as trouvé un moyen d’avancer.
Alors arrête deux secondes. Respire. Et trouve ce qui te fait vibrer. Pas juste ce qui te soulage, mais ce qui te donne envie de sauter du lit le matin.
Prends un moment pour réfléchir : qu’est-ce qui te passionnait avant que le stress prenne toute la place ? C’était peut-être l’écriture, le sport, ou même un rêve que tu as enterré parce qu’il semblait irréalisable. Et si c’était justement le moment de le déterrer ?
Comme d’hab, je me parle à moi aussi. En te pointant du doigt, j’en ai trois qui pointent vers moi.
PS : Si tu es un dirigeant marié et que tu galères à gérer tes responsabilités de père, mari, dirigeant tout en prenant soin de ta santé mentale, j’ai un truc pour toi ici : Le Cercle.